Dr. Moshe Kantor : “La lutte contre le racisme, la discrimination, la xénophobie et l’intolérance mérite mieux que Durban”

Carte blanche du Président du Congrès Juif Européen, Dr Moshe Kantor, parue dans le quotidien belge “Le Soir”, en prévision de la Conférence de Durban IV.

Pour le monde, le mois de septembre 2001 est chargé de nombreux souvenirs traumatisants. L’attaque des tours jumelles à New York le 11 de ce mois a été un événement décisif qui a révélé notre fragilité face à une menace terroriste dont l’objectif déclaré était de détruire notre mode de vie.

Voir de grands avions de ligne utilisés comme armes mortelles afin de frapper délibérément des bâtiments pleins de gens nous a tous choqués au plus profond de nous-mêmes. Et c’était le but recherché. La terreur engendre la peur. La peur conduit à l’acquiescement et à l’acceptation et une nouvelle normalité est alors créée. Par conséquent, le monde après le 11 septembre était très différent de celui qui l’avait précédé.

Une semaine avant le 11 septembre, les soi-disant “grands et bons” de ce monde se sont réunis sous l’égide de l’organisation la plus prestigieuse et la plus légitime de toutes, pour s’attaquer à un autre problème pernicieux qui affectait la société.

Les Nations Unies ont accueilli la Conférence mondiale sur le racisme, la discrimination, la xénophobie et l’intolérance à Durban, en Afrique du Sud. Lors de ce sommet, le premier du genre à portée internationale sur l’antiracisme, aucun Juif n’a été mis à l’abri, et depuis lors, ces 20 dernières années, aucun Juif n’a plus été à l’abri des effets de Durban.

Le peuple juif sait ce que représentent le racisme, la discrimination, la xénophobie et l’intolérance. De mémoire d’homme, nous avons été témoins de leur plus grande manifestation physique, à savoir le meurtre systématique de six millions de personnes appartenant à notre peuple. En tant que victimes du racisme, hier et aujourd’hui, les Juifs saluent toute initiative qui contribue à en tirer les leçons pour que l’avenir en soit libéré.

Pourtant, ce que Durban nous a légué, c’est un festival de racisme ciblé. Un “cirque de calomnies”, pour reprendre les termes d’Elie Wiesel, survivant de la Shoah et lauréat du prix Nobel de la paix. Une conférence parrainée par l’Organisation des Nations Unies et tenue sous sa bannière est devenue, pour chaque Juif qui y a assisté et pour chaque Juif qui l’a suivie, la pire manifestation internationale d’antisémitisme de l’après-guerre.

Les chefs d’État qui persécutent les minorités religieuses et ethniques dans leur propre pays, sont venus à Durban pour relativiser et minimiser l’Holocauste et dénoncer le seul État juif comme coupable de génocide et d’apartheid.

Lors d’un forum organisé en parallèle par une ONG et parrainé par l’ONU dans la même ville, les Protocoles des Sages de Sion ont été largement distribués ainsi que des photos de Juifs représentés avec des nez crochus, avec des sacs d’argent et des mains dégoulinantes de sang. Des manifestants, apparemment tous antiracistes, ont convergé vers les institutions communautaires juives et ont pris à partie les jeunes militants juifs.

L’ONU aurait pu tenter de remédier à cette dérive perverse de la lutte antiraciste en admettant son erreur, en s’excusant d’avoir délibérément écarté les victimes de la lutte contre le racisme, et en organisant une nouvelle conférence sous un nouveau format et dans un autre lieu pour traiter de manière exhaustive de l’antisémitisme, du racisme et de toutes les formes d’intolérance.

Au lieu de cela, elle a choisi de redoubler d’efforts. En avril 2009, l’ONU a organisé une conférence “de suivi” avec un nouveau comité, cette fois présidé par un représentant du régime de terreur libyen du colonel Kadhafi. Naturellement, le discours d’ouverture de la conférence de Durban II a été prononcé par le négationniste le plus célèbre de l’époque, le président iranien d’alors, Mahmoud Ahmadinejad. La haine des Juifs, scandée depuis une tribune de l’ONU a été davantage légitimée. Seul l’État juif a été ciblé et les Juifs ont été encore plus marginalisés. En 2011, l’organisation a “triplé la mise” en organisant un nouvel événement “antiraciste” afin de marquer le 10ème anniversaire de la première fête de la haine.

En ce mois de septembre, une nouvelle conférence, Durban IV, est prévue, marquant le 20ème anniversaire de l’événement fondateur. Elle cherche à adopter une déclaration politique appelant à la mise en œuvre complète et effective du document initial, celui-là même qui a été adopté dans une atmosphère de racisme, d’antisémitisme, de négation de l’Holocauste et de tentatives de rejet du droit à l’existence même de l’Etat d’Israël.

Tous ceux qui composent le mouvement antiraciste méritent tellement mieux que d’être associés au sommet de Durban IV. Le thème de la conférence de cette année sera “Réparations, justice raciale et égalité pour les personnes d’ascendance africaine”. Cette question vitale est trop importante pour être marquée de manière indélébile par une association avec un événement souillé par le racisme lui-même.

Ne vous méprenez pas, la conférence de Durban IV, comme toutes les autres conférences avant elle, n’existe pas en vase clos. Depuis 20 ans maintenant, ses répercussions se sont propagées dans le monde entier pour légitimer chaque soi-disant activiste antiraciste qui cherche à couvrir sa haine des Juifs. Durban n’a pas seulement enrobé l’antisémitisme. Elle a peint l’antiracisme lui-même dans les pires tons possibles.

Cette conférence n’est pas une conférence antiraciste et aucune personne engagée dans la lutte contre le racisme ne devrait y assister.

À ce jour, neuf États membres de l’UE; l’Allemagne, l’Autriche, la Croatie, Chypre, la France, la Hongrie, l’Italie, les Pays-Bas et la République tchèque ont décidé de boycotter Durban IV. Ils sont rejoints par l’Australie, le Canada, Israël, la Nouvelle-Zélande, les États-Unis et le Royaume-Uni.

Tous ces pays ont exprimé leur crainte que la conférence soit à nouveau détournée afin de promouvoir la haine des Juifs et de cibler Israël. Ils sont pleinement conscients que le sombre héritage que les conférences précédentes ont laissé ne pourra jamais constituer une base solide ou un résultat instructif dans la lutte contre le racisme.

D’autres ont fait valoir que, précisément en raison de cet héritage, il est essentiel que les démocraties continuent à s’engager dans ces forums. Mais Durban, ses participants et ses résolutions ne pourront jamais être antiracistes s’ils excluent les Juifs et les expériences juives du racisme. Durban n’est que la manifestation d’une hiérarchie de l’oppression, piétinant impunément les Juifs.

La lutte contre le racisme, la discrimination, la xénophobie et l’intolérance mérite mieux que cela. Aucun des 27 Etats membres de l’Union européenne ne doit honorer la nouvelle Conférence de Durban de sa présence, donnant ainsi une légitimité supplémentaire aux semeurs de haine.

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